un pari gagnant, y compris sur les prix ?
La restauration collective est encore loin des objectifs fixés par les lois Egalim et Climat et Résilience, à savoir 50% de produits durables dont 20% de produits bios. En 2021, la part de produits bios dans la restauration collective n'était que de 6,2%, soit un tiers des objectifs, selon les données de l'Agence Bio. Mais les initiatives pour aider les collectivités à se lancer et les producteurs à s'organiser ne manquent pas et se révèlent plutôt efficaces. C'est ce qu'a mis en avant un séminaire organisé le 28 septembre 2023 par le Hub des Territoires, espace de rencontres de la Banque des Territoires au service du développement des projets locaux.
Côté restauration, des structures accompagnent ainsi des départements à faire passer les collèges au 100% bio local fait maison. "Il y a une forte demande de la part des élus, a expliqué Louis Sibille, cofondateur de la startup Nona, ils voient que c'est possible mais ils ne savent pas comment y arriver, quel plan d'actions suivre, qui peut les aider, et très peu arrivent à mettre en place des actions concrètes car c'est difficile de travailler sur tous les leviers en même temps".
La startup dispose d'un logiciel du même nom, Nona, permettant aux cuisiniers des cantines de se lancer dans le bio et le local, en engageant les changements organisationnels nécessaires et souvent compliqués. Des cuisiniers qui "sont isolés, peu formés, peu outillés, et débordés par leurs multiples métiers d'acheteur, gestionnaire, diététicien, statisticien", précise-t-on chez Nona.
Immersions, plans alimentaires, préparation des marchés publics
Dans le même esprit, le collectif "Les pieds dans le plat" trouve et forme des cuisiniers au bio. "Nous avons formé 10.000 professionnels, quelques élus, et nous avons dix nouveaux formateurs par an, a détaillé Joey Enée, directeur général de la Scic Nourrir l'Avenir, membre du collectif, nous attachons beaucoup d'importance au 100% fait maison pour valoriser le métier de cuisinier". Le collectif a démarré avec des projets pilotes dans des petites communes rurales, puis des plus grandes, jusqu'à la métropole de Lyon. Il accompagne aussi le département de Dordogne à partir de plans alimentaires de saison et d'immersions en cuisine durant plusieurs semaines pour changer les pratiques culinaires. Un outil baptisé "A table" permet d'estimer les besoins et un logiciel "Webgerest", de gérer les stocks. "Cela permet de faire un prévisionnel des quantités pour chaque famille d'aliments, a expliqué Aurélie Mansard, diététicienne nutritionniste pour le conseil départemental de la Dordogne, membre fondatrice du collectif Les pieds dans le plat, et nous aidons les collèges à rédiger à partir de cela le cahier des charges pour lancer le marché public".
Les bons points du passage au bio
Les signaux sont plutôt positifs. Le département a mené une étude comparative - conduite par une diététicienne -, entre un collège conventionnel et un collège passé au 100% bio, qui a montré les avancées : la quantité de légumes est plus importante de 16% à 22% dans un collège passé au bio, il y a +35% de légumes frais, plus de diversité de légumes, une réduction des emballages, une quasi-disparition des produits transformés, un meilleur profil en acides gras, une diminution des sucres, un meilleur équilibre entre les protéines végétales et animales… En matière d'approvisionnement, le local est favorisé : l'approvisionnement local représente ainsi 59% après le passage au 100% bio, contre 36% auparavant.
D'autres initiatives sont menées par des collectivités, comme à Romainville, avec un projet de cuisine 100% bio local fait maison, inaugurée en janvier 2023. La transformation de la cuisine de l'école Maryse Bastié a été organisée par la municipalité de la ville de Romainville et la Scic Nourrir l'Avenir selon une méthodologie très précise : diagnostic, étude de faisabilité du retour en régie, aménagements et travaux, définition de l'organisation humaine, des équipements, plans alimentaires, élaboration des menus, stratégie d'approvisionnement et préparation des marchés publics. "On a visité seize établissements, analysé l'organisation humaine, les équipements, jusqu'à la rédaction des marchés publics, avec la formation aussi pour sensibiliser les acteurs concernés, a détaillé Isabelle Bretegnier, présidente de la Scic Nourrir l'Avenir, et l'accueil a été formidable, les enfants ont tout mangé, aucun gaspillage alimentaire, et beaucoup de bonheur ! Côté valorisation des métiers, j'ai vu des dames qui, à mi-temps, réchauffaient juste des barquettes en plastique se transformer en véritables cuisinières".
6,38 euros le repas 100% bio local fait maison contre 7,35 euros pour le conventionnel
En matière de budgets, des bénéfices sont notés, puisque le coût du repas est moins élevé : 6,38 euros par repas pour le 100% bio, en intégrant le personnel contre 7,35 euros pour le conventionnel. L'expérience de la cuisine de l'école Maryse Bastié attire même des chercheurs. Une étude d'impact est en effet en cours dans le cadre d'un programme de recherche sur l'éducation à l'alimentation copiloté par Agro ParisTech et Paris XIII.
En résumé, les professionnels voient trois principaux facteurs clés de succès pour ces projets : la volonté politique, indispensable pour donner l'impulsion, la participation de l'ensemble des acteurs concernés (fournisseurs, cuisiniers, élus) et le fait maison, qui favorise l'approvisionnement en local. Sans oublier la collaboration avec d'autres secteurs, comme la santé pour les Ehpad, puisque les établissements des premier et second degrés ne fonctionnent pas durant l'été. "Il faut trouver des structures, comme des CHU ou des Ehpad qui s'engagent en même temps, a assuré Sylvie Dauriat, directrice de la Caisse des écoles du 17e arrondissement de Paris, vice-présidente du réseau Restau'Co, et aussi assurer un lien avec les plans alimentaires territoriaux-PAT. Ils n'intègrent pas toujours la restauration collective, c'est important de se mettre en relation avec ces outils."
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