Face l'urgence sanitaire, faire confiance aux collectivits pour "gagner en agilit"
"Le pouvoir d’agir dans l’urgence". Sous cet intitulé, la première séquence en plénière du 16e Congrès des Régions, qui se tenait ce lundi 19 octobre au siège de la région Ile-de-France à Saint-Ouen (93) – et, pour beaucoup, en visioconférence –, entendait revenir sur les leçons à tirer du pic de la crise du covid-19 du printemps dernier. Mais du fait de l'actualité sanitaire la plus récente, le sujet n'a pas été abordé au passé mais au présent. Il a d'emblée été question de "deuxième vague". "Les hôpitaux se préparent à une deuxième vague plus difficile que la première", a ainsi prévenu Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) et maire de Fontainebleau. Plus difficile parce que cette fois, "toutes les régions sont concernées" (rendant de fait plus difficiles les renforts de personnels venant d'un autre territoire), parce que les déprogrammations de soins du printemps dernier font qu'il faut aujourd'hui pouvoir continuer à accueillir les patients non-covid, parce que les effectifs hospitaliers sont "épuisés"… Frédéric Valletoux évoque ainsi un "cocktail potentiellement explosif".
"Le personnel soignant porte encore les cicatrices de la première vague", a de même souligné Jean Rottner, le président de la région Grand Est. Alors, aujourd'hui, "repartir au charbon dans les mêmes conditions leur paraît impensable". Tout comme il semble impensable au président de la première région touchée par le covid-19 de connaître une nouvelle fois les errements, pertes de temps et lourdeurs qui avaient marqué la gestion du début de la crise sanitaire. Il n'y a pas de temps à perdre.
L'exemple des Länder
En mars dernier, "nous avons eu un rôle d'alerte", rappelle Jean Rottner, se souvenant par exemple avoir très tôt alerté son homologue de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse. On connaît la suite. Des régions prenant les rênes de commandes massives de masques et autres équipements de protection, tentant d'instaurer des échanges permanents avec leur agence régionale de santé (ARS)… "Nous avons été des capitaines de tempête", résume Valérie Pécresse.
"La crise ne se gère pas depuis Paris, aujourd'hui les décisions doivent être prises à partir des réalités de terrain", insiste l'élu, par ailleurs ancien urgentiste. Qui a pu constater comment les choses se sont passées de l'autre côté de la frontière rhénane. Roland Theis, secrétaire d'Etat aux affaires européennes du Land de Sarre, était à ses côtés pour en témoigner. Pour expliquer qu'en Allemagne, les hôpitaux et les agences de santé font partie des compétences des Länder et que les règles liées aux pouvoirs de police sont elles aussi "administrées au niveau régional". Certes, le "patchwork des règles d'un Land à l'autre" peut parfois poser problème et exige une coordination "laborieuse" des actions à l'échelle fédérale. Les avantages seraient toutefois évidents. Ainsi, si les règles actuelles de quarantaine pour les étrangers arrivant en Allemagne avaient été décidées par Berlin, cela aurait "tué la mobilité transfrontalière". Or "nous avons réussi à trouver, à l'initiative des Länder, un règlement qui garantit cette mobilité".
"Nous voyons là qu'il y a de l'agilité à gagner", il serait temps pour la France "de faire de même", a rebondi Jean Rottner, rappelant au passage que le Grand Est avait commencé à échanger avec les régions limitrophes étrangères "dès le 12 mars", sous forme d'une "cellule hebdomadaire"… et qu'au printemps dernier, pas moins de 20% des patients de sa région avaient été accueillis par des hôpitaux d'Allemagne, du Luxembourg ou d'Autriche.
Que l'Etat "ne s'occupe pas de l'organisation des soins"
"Le fait d'avoir un cadre national, c'est normal. Mais il faut ensuite que l'Etat s'appuie, en confiance, sur les collectivités", poursuit-il. Frédéric Valletoux ne dit guère autre chose : "Que l'Etat donne des objectifs en termes de santé publique, oui. Mais qu'il ne s'occupe pas de l'organisation des soins. Cette confiance-là, elle n'existe pas encore en France. Ce sera le grand enseignement." Pour le président de la FHF, les ARS n'ont pas encore véritablement "fait du retour d'expérience" sur "ce qui s'est passé au printemps". Et au niveau de l'Etat central, "le gouvernement s'est beaucoup concentré, en juin et juillet, sur le Ségur de la santé – donc sur le moyen-long terme".
Jean Rottner rencontre actuellement les départements et autres collectivités de sa région pour bâtir une "feuille de route santé" du Grand Est d'ici le mois de décembre. "Il faut avancer très rapidement", insiste-t-il. En espérant ne pas avoir de bâtons dans les roues. Car il n'a pas oublié avoir par exemple dû "se battre tout l'été" auprès de la Cnam, du ministère de la Santé… pour que "puisse sortir" le projet de "météo Covid Grand Est" visant à générer des indicateurs de suivi de l’épidémie en temps réel. Un outil "de gestion et d'anticipation" conçu "pour le monde médical mais aussi le monde économique" avec, notamment, le concours de l'IHU de Strasbourg.
A la tribune également, le représentant d'un "territoire d'expérimentation" en termes d'adaptation aux réalités locales, tel qu'il le dit lui-même : la Guyane. Boris Chong-Sit, conseiller territorial de Guyane, a ainsi expliqué comment sur le territoire de sa collectivité, qui est à la fois département et région, il avait été décidé que les collèges et lycées resteraient fermés lors du déconfinement de mai dernier (la proximité du Brésil ayant généré une forte hausse des cas de covid à ce moment-là) et qu'un couvre-feu s'imposerait de 23 heures à 5 heures du matin, puis dès 18 heures en juin… et maintenant uniquement de minuit à 5 heures, l'épidémie ayant reculé.
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