deux ans aprs Irma, les 100 recommandations du Snat
"La meilleure des suites données à nos premiers travaux rendus l'an dernier sur les risques naturels majeurs outre-mer, c'est d'avoir pu les poursuivre et d'en présenter aujourd'hui ce second volet", a souligné le sénateur (LR, Pas-de-Calais) et rapporteur Jean-François Rapin, lors de la présentation le 14 novembre d'un rapport nourri par les auditions d'une centaine d'experts, représentants de l’État et des ministères concernés, mais aussi de responsables du secteur de l’assurance. "Nous sommes confiants, nos préconisations s'adressant à la fois aux élus, à l’État mais aussi à nous autres, parlementaires, interpellent et sont en règle générale bien suivies", appuie le sénateur LR de Saint-Barthélemy Michel Magras, qui préside cette délégation.
Vers un meilleur pilotage institutionnel Etat-collectivités
Le rapport s'ouvre sur un rude constat : deux ans après le passage dévastateur de l'ouragan Irma dans les petites Antilles, la reconstruction y est loin d’être achevée, "particulièrement à Saint-Martin reconstruite en août 2019 à seulement 49% contre 87% pour Saint-Barthélemy" (données Copernicus). Saint-Martin aurait pâti d’un "déficit de coordination des travaux et de relations parfois dégradées avec les services de l’État". Mauvais signe, un préfet y a été nommé délégué interministériel pour la reconstruction de ces îles, "mais il a été supprimé en avril 2019, le comité interministériel à la reconstruction demeurant, lui, actif".
Pour assurer un pilotage institutionnel "plus clair et efficace", la délégation conseille de mobiliser le niveau interministériel et de "privilégier une gestion unifiée au sein d’une structure identifiée, voire un établissement public ad hoc", pour rendre plus aisément contrôlables les financements gouvernementaux, mais aussi des appuis, notamment en matière d’ingénierie, par le biais de l’Agence française de développement ou d’autres collectivités volontaires. L'appui en ingénierie reste un point sensible pour ne pas nourrir les frictions et ne pas donner l'impression que l’État, face aux difficultés des collectivités, fait "à la place de et non pas avec". Autrement dit, la réparation de dommages causés par une catastrophe naturelle "ne doit pas être vue comme l'occasion d'un rattrapage de déficiences passées ou d'une mise sous tutelle d'une collectivité".
Fluidifier le processus de reconstruction
La délégation rappelle que dans l'immédiat après-crise, la priorité est d’assurer la sécurité des populations, l’accès aux soins, de redresser très vite l’activité touristique dans ces territoires vulnérables économiquement, et bien évidemment de reloger les populations, de rétablir les réseaux (eau, électricité, eau, communication). La robustesse de ces derniers reste un enjeu pressant. Tout comme l'est l’habitat insalubre ou les constructions sans droit ni titre. En ce sens, l’opportunité du report de la disparition des agences des 50 pas doit être questionnée. "Autre urgence, à enjeu sanitaire, l'évacuation des déchets, débris, et le retour à la normale de services publics tels que les écoles", relate Michel Magras.
A Saint-Martin, Irma en a détruit une vingtaine et s'est posé le problème de la présence d'enseignants en nombre suffisant, les non originaires de l'île ayant fui, ce qui a renforcé le sentiment d'abandon du territoire par les personnels de l’État. "Reconstruire vite et bien aide à effacer les stigmates", poursuit le sénateur de Saint-Martin Guillaume Arnell. Avec ses collègues, il suggère d'étendre les pratiques dérogatoires au droit, comme ce fut le cas pour l’urbanisme afin d'enclencher des travaux sans autorisation mais sur simple formulation d'une demande préalable Irma. "Nous pensons à d’autres domaines comme le traitement, très contraint en milieu insulaire, des déchets à travers des dérogations à l'interdiction de brûlage ou leur exportation", précise Michel Magras.
Mieux assurer et suivre la reconstruction
La partie consacrée aux assurances est tout aussi pertinente. Des difficultés d'accès des assureurs aux territoires sinistrés sont pointées, tout comme le faible taux de recours aux assurances dans les territoires ultramarins, de l'ordre de 50% contre 96% dans l'hexagone. Une quinzaine d'assureurs y sont présents. "Certains ont joué le jeu, d'autres ont disparu de la circulation après Irma", glissent des sénateurs. Le bilan fut pourtant hors normes, avec près de 26.000 sinistres enregistrés pour un montant d'1,9 milliard d'euros. L'un des assureurs entendus estime que deux tiers de ses assurés ont été sinistrés par le cyclone. Pour assurer la pérennité du système assurantiel outre-mer, la délégation conseille d'engager une réflexion dans le Pacifique sur des systèmes sans réassurance publique, de garantir en matière de réassurance une mutualisation outre-mer/hexagone en veillant à modérer les majorations tarifaires pratiquées à l'égard des assureurs exposés outre-mer. "Il faut plus d'acculturation, encourager les actions d’éducation aux risques, la formation des élus", ajoute-t-elle.
Une consolidation du régime d'indemnisation catnat (qui repose sur le secteur assurantiel) est aussi demandée. Etendu depuis 1990 aux départements ultra-marins (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française demeurent hors du champ national) et depuis 2000 aux risques cycloniques, il exclut les bateaux, un point sensible en milieu insulaire car de nombreuses embarcations ont été détruites. Autre lacune, le fonds de garantie des calamités agricoles prévu par le code rural est inopérant outre-mer mais a été "remplacé" par un fonds de secours. "Ces fonds de secours et de solidarité de droit commun doivent être mieux articulés et redéfinis", recommandent les sénateurs.
Ils préconisent aussi de mieux contrôler la reconstruction. D'assurer une reconstruction de qualité, pas forcément à l’identique mais avec un bilan des forces et faiblesses du bâti qui doit être réalisé en vue d'améliorer la résistance du bâti face aux aléas et de mieux intégrer les spécificités ultra-marines dans les normes et méthodes de construction. "L’aspect humain, la détresse des sinistrés suite à un événement aux conséquences traumatiques nécessite aussi un suivi psychologique et sanitaire dans la durée", conclut Jean-François Rapin.
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