le plan d'quipement sur sa lance

Publish date: 2024-07-06

Une "hausse sans précédent". Pour le ministère de l'Intérieur, le plan national d'équipement de vidéoprotection lancé en 2007 par Michèle Alliot-Marie a produit ses effets. 10.000 caméras ont été soumises aux autorisations des préfets en 2007, contre 4.000 en 2006, a-t-il indiqué, mardi. Ce plan a contribué l'an dernier au financement de 315 nouveaux projets, pour un montant total de subvention de 13,4 millions d'euros en provenance du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Sachant que la mise en place d'un système coûte au bas mot 500.000 euros, l'investissement des collectivités demeure très lourd, même si la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 leur donne désormais la possibilité de se regrouper au niveau intercommunal.
Une bonne partie des fonds de l'Etat a servi à raccorder les centres de supervision urbains (CSU) aux services de police et de gendarmerie, le but étant de permettre à ces derniers d'utiliser les images des communes. 50 centres étaient reliés en octobre 2007, ils sont aujourd'hui 80 et 143 autres raccordements sont prévus en 2008. "Avec le plan de vidéoprotection que je mets en œuvre, je veux promouvoir un modèle français de la protection des citoyens, soucieux de conjuguer libertés individuelles et sécurité collective", a expliqué le ministre de l'Intérieur, mardi 20 mai, lors de la Commission nationale de la vidéosurveillance présidée par Alain Bauer, le président de l'Observatoire national de la délinquance (OND). Cette référence au "modèle français" est de circonstance, car le modèle britannique qui, jusque-là, avait valeur d'exemple, vient d'être sérieusement mis à mal. Plusieurs milliards de livres ont été dépensés ces dernières années et le Home Office y a englouti jusqu'à 80% de son budget de lutte contre la criminalité.

Un million de caméras en 2012

Résultat : plus de 4,2 millions de caméras sont disséminées à travers le pays, si bien qu'on estime qu'un Londonien est filmé jusqu'à 300 fois par jour ! Or, selon Mike Neville, responsable du bureau des images, identifications et détections visuelles de Scotland Yard, "c'est un véritable fiasco". "Seuls 3 % des vols effectués sur la voie publique ont été résolus grâce aux caméras, a-t-il déclaré, lors d'une conférence organisée à Londres début mai. On n'a pas réfléchi à la manière dont la police allait utiliser les images et comment elles seraient présentées devant un tribunal."
En France, on est encore loin de ces chiffres. L'objectif de Michèle Alliot-Marie est de tripler le nombre de caméras pour le porter de 20.000 à 60.000 en deux ans. Il ne s'agit là que des caméras installées sur la voie publique. Au total, le nombre de caméras déclarées sur le territoire français serait de 350.000. Avec la mise en place du plan national d'équipement de la vidéoprotection, il devrait y en avoir un million en 2012. Selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, avant le plan national, en 2006, 198 collectivités étaient équipées (dont 168 communes, 16 conseils généraux, 5 conseils régionaux et 9 EPCI). Elles pourraient donc bientôt être trois fois plus nombreuses.
"Dans les communes qui y ont recours, les services de police constatent en moyenne une baisse de 40% de la délinquance", a-t-elle assuré récemment au député du Nord Marc Dolez (PS), qui l'interrogeait sur l'application de son plan. "A Strasbourg, la mise en oeuvre de systèmes de vidéosurveillance a conduit à faire doubler la baisse de la délinquance dans les zones qui en ont bénéficié." Selon les criminologues, la vidéoprotection change aussi les habitudes des délinquants. Ces derniers portent aujourd'hui de plus en plus souvent des capuches et rendent délicates les identifications. L'installation de caméras aboutit également à déplacer les bandes : le fameux "effet plumeau". Faute de réelle étude d'impact, il est donc difficile d'en évaluer la portée réelle. Pour y remédier, Michèle Alliot-Marie a confié à l'Inhes (Institut national des hautes études de sécurité), en janvier 2008, une mission d'évaluation des dispositifs de vidéoprotection dans les domaines de la prévention de la délinquance, de la lutte contre la criminalité et le terrorisme. D'autres études sont actuellement menées à Lyon, Saint-Etienne et Grenoble et par le conseil régional d'Ile-de-France, à travers l'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, concernant les lycées, les transports publics et les habitats sociaux. On peut toutefois se demander pourquoi ces études ont été commandées après le lancement du plan national.

Comités d'éthique

Un sondage Ipsos réalisé en mars dernier pour la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) donne de l'eau au moulin de Michèle Alliot-Marie. 71% des français sont favorables à la vidéosurveillance. Mais ils sont aussi 79% à réclamer une autorité de contrôle indépendante. "Beaucoup de collectivités locales ne respectent pas aujourd'hui leurs obligations en matière de demande d'autorisation pour le déploiement de systèmes de vidéosurveillance", déplore Alex Türk, président de la Cnil. La Cnil qui, à l'heure actuelle, n'est pas compétente en la matière, sauf si le dispositif de vidéo sert à constituer un fichier nominatif. Une limite qu'elle souhaiterait bien voir levée. Dans une note adressée à la ministre de l'Intérieur, le mois dernier, elle dénonce le caractère obsolète de ce régime et revendique un droit de regard, parallèlement à la Commission nationale de la vidéosurveillance (CNV) installée l'an dernier. Il existe donc deux candidates pour un seul poste. "La Cnil a une argumentation technique très faible pour une argumentation juridique très forte", reconnaît, bon joueur, Alain Bauer. "Mais il faut éviter d'avoir une bureaucratie aussi grande que les bureaucraties qu'elle est censée contrôler, ce serait Big Mother contrôlant Big Brother", ironise-t-il.

La création de la CNV a d'ores et déjà permis d'harmoniser les décisions des commissions départementales dont les avis étaient très variables d'un département à l'autre. Ces commissions créées en 1995 sont consultées par le préfet pour tout nouveau projet d'installation. Mais ce contrôle reste limité à l'obtention de l'autorisation préfectorale. Ensuite, les risques de dérapages sont nombreux. Certaines communes comme Vaulx-en-Velin ou Lyon ont donc mis en place des garde-fous : les comités d'éthique. Composés d'élus, de personnalités qualifiées et d'associations de défense des citoyens, ils veillent au bon respect des libertés publiques. Paris devrait prochainement leur emboîter le pas. Des exemples à méditer car, une vingtaine de plaintes sont déposées chaque année. Tout récemment, le tribunal administratif de Rennes vient d'épingler la ville de Ploërmel.

Michel Tendil

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